Allumage
La sensation est inédite, de ne plus attendre mais de participer à ce que l’on a toujours espéré ; un mouvement que rien ne pourra arrêter, un élan sur lequel on va se laisser porter, un grand pas en avant qui emprunte le chemin que l’on cherchait.
La transformation est magique, comme si tous les efforts que l’on avait accomplis prenaient soudain corps et enfin vie, pour nous entraîner vers cet objectif que l’on a toujours imaginé, cette idée que l’on portait et qui devient réalité.
La révélation est inédite, d’un coup percevoir que l’on sort du noir pour rejoindre cette lumière que l’on voyait et qui nous paraissait inaccessible, irréelle, au point de nous couper les ailes.
Ce n’est pas d’un tourbillon qu’il s’agit, mais d’un simple « non » qui se métamorphose en « oui », où les possibilités ne sont plus théorisées mais deviennent ce qu’elles ont toujours été : une part du monde que l’on crée.
Ce n’est pas d’une révolution dont on entend le cri, mais une musique légère et joyeuse, qui rythme la cadence d’une manière heureuse, celle que l’on voulait et qui nous échappait pour s’enfuir dans des brumes ténébreuses.
Ce n’est pas d’une acclamation qui aurait jailli, à la faveur d’une émotion ressentie devant les possibilités infinies, mais au contraire un sourire silencieux qui n’en finit plus de s’épanouir jusqu’aux cieux, de constater que tout va pour le mieux.
Rien ne présupposait que cela allait arriver, ici et maintenant, après tout ce temps, cette énergie déployée, en vain et sans succès, au gré des aléas des journées, alternance de hauts et de bas, sans arrêt.
Rien ne semblait se déployer, en dépit de tous les stratagèmes que l’on avait élaborés, succession de conquêtes, puis de retraits, comme si les combats ne devaient jamais cesser pour aboutir à la paix espérée.
Rien ne laissait deviner que ce jour adviendrait, litanie d’une longue lignée qui n’a donné aucun des fruits envisagés et pour lequel le soleil ne se levait que pour nous ordonner de continuer.
Et puis, ce signal est arrivé, sans plus de surprise dans cette atmosphère blasée, ainsi qu’un phare dans un brouillard épais, éclat ténu mais qui ouvre à la perspective du port annoncé, gage du repos et de l’installation après laquelle on courait les océans depuis des années.
Et puis, le sillage que l’on traçait s’est transformé en sillon dans lequel on a pu planter ces graines, ces oignons, ces arbrisseaux, pour qu’ils s’enracinent et montent bien haut, au lieu de végéter dans des pots.
Et puis, ces voix se sont fait entendre, en lieu et place de l’écho qui était tout ce que l’on pouvait comprendre, à diffuser ces messages de réconfort et d’amour, à nous dire que l’on a eu raison de persévérer sans détour.
Il reste malgré tout ce doute, cette méfiance, de se demander si tout cela n’est simplement pas de la chance, un feu follet qui dissipera ses effets dès que se rééquilibrera la balance qui n’aurait pas dû bouger.
Il reste cependant une irréalité, dans ce qui est sur le point de se passer, comme si tout ce mouvement n’était en fait qu’un vaste coup de vent, dont les effets vont retomber aussi vite qu’ils sont arrivés.
Il reste quoi qu’il en soit une incrédulité que tout ce que l’on a mis en œuvre puisse se concrétiser, alors que c’était bien ce que l’on voulait et que rien d’autre ne nous paraissait digne d’intérêt.
Pour l’instant, l’heure est à la satisfaction, de constater que l’on n’était pas le jouet de la moindre malédiction, que l’on avait bien fait de croire en son intuition, au mépris d’un contexte d’isolement et de perdition.
Pour l’instant, l’heure est à l’acceptation que, pour cette fois, ce que l’on a maintenu bien droit ne s’effondre pas et ne sombre pas dans un grand fracas, en une victoire symbolique sur les prédictions et sur soi.
Pour l’instant, l’heure est à l’émotion que ses pensées et ses actions aient pu voir matérialiser ce que l’on avait d’ambition, pour se prouver que l’on avait le droit de vouloir plus que de quelques fractions d’un bonheur en évolution.
Il ne fait pourtant pas de doute que le mouvement est lancé, quelle que soit la route que l’on choisisse maintenant d’emprunter, pour cette longue et belle balade que constitue notre destinée.
Il ne fait pourtant aucun doute que plus rien ne jaillira de ce passé qui nous hantait, succession d’attentes et de regrets, perception d’une agonie lente et insupportée, alors que cette fois, la renaissance est amorcée.
Il ne fait pourtant aucun doute que le meilleur est sur le point de se concrétiser, en une sérénade que l’on pensait ne jamais entendre résonner, enfouie sous le vacarme de nos frustrations exacerbées.
Cet aboutissement n’est pas un cadeau pour remercier d’avoir su ne pas renoncer, garder la tête haute et ne pas sombrer. Il est là pour acter la valeur de tout ce que l’on a fait sans se décourager.
Cet aboutissement n’est pas une compensation pour excuser tout ce que l’on a dû encaisser, d’abandon et de trahison qui nous ont laminés. Il est là pour démontrer l’honneur qu’il y a eu de s’accrocher à ses idéaux, quels qu’en soient les douleurs et les maux.
Cet aboutissement n’est pas une récompense pour féliciter d’avoir surmonté tous les obstacles qui se dressaient. Il est là pour marquer le signal qu’une nouvelle histoire peut s’amorcer, en une victoire sur le désespoir et la solitude exacerbée.
Et tandis que la flamme du renouveau brille et monte haut, l’on peut s’autoriser de sourire de nouveau.
Et tandis que la joie pulse de se sentir empli de bas en haut, l’on peut s’autoriser de la savourer.
Et tandis que la sérénité retrouve le juste niveau, l’on peut ouvrir les bras à tous ceux qui attendaient
que l'on soit à nouveau le meilleur de soi, plein et entier.
Yorumlar