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Photo du rédacteurLaurent Hellot

Rechute

L’orage qui s’annonce couvre le ciel de nuages sombres et denses, menaces éternelles sur toute existence. Du port d’où il observe les nuées, l’homme n’a pas encore décidé de quelle manière il allait s’adapter, en s’enfuyant ou en se protégeant, face à cette invasion annoncée. Il oscille entre une totale passivité, en victime qui aurait renoncé à lutter, et une rébellion caractérisée, en résistance contre ce qui va déferler.

Une bourrasque emporte un morceau de tuiles, qui vient s’écraser au pied de cet hésitant, en un signal qu’il est l’heure de se décider, avant que le choix n’en soit plus un lui appartenant ; et un éblouissant éclat de foudre habille aussitôt le paysage de noir et de blanc, avant que le son rageur d'un grondement n’atteigne l’impudent, lui signifiant que le monde n’attendra pas son engagement.

C’est alors au tour de trombes d’eau de se déverser sur la tête de celui qui ne sait toujours pas ce qu’il fera peut-être, le transformant en golem ruisselant, trempé, immobilisé par les cataractes qui entreprennent de se répandre sans plus de considération sur qui ou quoi elles vont dégorger la puissance du flot de toute cette eau qu’elles n’en peuvent plus de libérer, dans une épuration de toute cette colère accumulée.


Surpris d’avoir été ainsi dépassé et débordé, l’homme court enfin vers le premier abri à sa portée, les mains sur la tête pour protéger ce qu’il reste de sa dignité. Haletant et dégoulinant, il essore tant bien que mal ses vêtements, tissus maintenant imbibés qu’il n’est plus possible de distinguer du corps sur lequel ils sont incrustés par la pluie qui les a liquéfiés.

Plus préoccupé par sa propre personne que par le lieu au sein duquel il s’est réfugié, l’homme sursaute lorsqu’une cloche se met à sonner, en un glas définitif sur la situation au sein de laquelle il a plongé. À cet instant seulement, l’homme réalise qu’il vient de trouver asile dans une église, vaste bâtisse massive, qui lui offre un rempart contre la bise, mais lui rappelle que cet endroit n’est pas celui où il pourra être tranquille.

En écho à cette semonce, un orgue libère soudain un mugissement à faire trembler la Terre, à la fois concurrent et équivalent du tonnerre qui poursuit à l’intérieur l’expression de ses colères, en maître sans équivalent des cieux qu’il emplit de ses fracas effarants. Cette cacophonie apocalyptique finit par achever l’homme qui s’effondre sur le sol devant la crypte, et sombre dans une catatonie automatique.


Le réveil n’en est pas un. Quand l’homme paraît reprendre conscience, il ne se trouve plus dans un environnement de sa connaissance ; à la place, un étang et un jardin, un soleil levant au loin, la fumée d’un petit cottage près d’une grange à foin. Surpris de ces apparitions, et de sa situation, l’homme fourmille de questions, à commencer par la raison de cette transmutation.

Un inventaire de ses abattis confirme à l’homme qu’il ne paraît pas occis, mais que, par une étrange magie, il n’est pas plus réveillé qu’endormi. L’air est doux, il le sent ; la lumière est partout, intensément ; mais la raison de cet environnement dépasse de loin son entendement, comme s’il avait maintenant à découvrir par lui-même le sens de sa présence au beau milieu de ce paysage de printemps.

Dans une première et louable initiative, l’homme décide de contourner l’étang et de longer ses rives pour rejoindre le cottage au toit fumant. Ce trajet lui donne l’occasion d’apercevoir des carpes blanches et dorées, habitantes sereines et perpétuelles de ces fonds inexplorés, en gardiennes de leurs secrets, mais ne lui offre pas l’opportunité de les interroger, dans cette atmosphère de magie révélée.

Devant la porte qui lui fait face, l’homme amorce une grimace, au vu des armoiries gravées sur le bois de l’huis : un dragon et un renard aussi. Il se rappelle ses rêves d’enfants, chevauchant ce bienveillant géant, et jouant d’inspiration avec ce goupil fripon, de plus en plus intrigué de ce parcours balisé où il semble être le jouet de ses souvenirs et de sa destinée.

Dans un brusque courant d’air, le porte s’ouvre d’un coup et inonde la pièce de lumière, exposant l’âtre et son feu ronflant, une table aux dimensions imposantes, ainsi qu’un lit aux couvertures chatoyantes. Il faut le temps que les yeux s’habituent pour que l’homme aperçoive enfin cette femme aux épaules nues, dont les deux yeux étincelants le transperçaient sans ménagement.

Surpris, embarrassé, l’homme se met à reculer, avant de buter contre la porte qui s’est refermée. Le voici contraint d’obtempérer aux injonctions de cette femme qui paraît l’hypnotiser, même s’il ne fait que répondre à une évidence qu’il vient d’intégrer : il attendait cet instant depuis sa naissance, cette rencontre avec celle qui va lui montrer les réponses aux questions qu’il ne s’est jamais posées.


« Qui es-tu ? » Ce n’est pas lui qui énonce cette évidence, mais la femme qui le lui envoie avec violence. À cette injonction, l’homme ne peut rétorquer que des hésitations, lui qui pourtant s’était convaincu de sa connaissance et de la logique du parcours qu’il a fait. Il se trouve réduit à hocher la tête, déstabilisé, car il se voit incapable de définir son identité, au-delà de la superficialité.

« Que souhaites-tu ? » À cette deuxième interrogation, l’homme se tait, car il ne conçoit de répondre que des banalités, de richesse, de gloire, de prospérité. Il en aurait presque honte sur l’instant, pour ce qui devrait pourtant satisfaire la plupart des gens. Tournant la tête, il fuit le regard de cette inquisitrice qui l’inquiète, et plonge vers la vue qui lui est offerte par la fenêtre.

Un aigle, majestueux, maître des cieux apparaît et vient se poser derrière la vitre que l’homme contemplait, et d’un coup de bec fait voler en éclats le verre dont les morceaux finissent éparpillés sur le sol, en autant de diamants inusités. « Eh bien, prends-les ! Ils seront ta liberté ! » À peine la femme a-t-elle prononcé ces mots, qu’elle disparaît, tout comme la maison, l’aigle, le paysage, ne laissant que ces joyaux à l’homme sidéré.

Le sol froid, la lumière tamisée ; l’homme se retrouve dans l’église, étonné. Il se lève, embarrassé et confus de ce qu’il vient d’expérimenter, rejoint le parvis, pour se rendre compte que l’orage est passé, ayant purgé le ciel de ces humeurs qui s’amoncelaient, révélant l’éclat d’un soleil joueur, et d’une Nature apaisée, comme ayant retrouvé une toute nouvelle sérénité, après ce chaos qui l’a secouée.

Ébloui, l’homme ne sait plus ce qu’il doit faire de sa vie ; partager ce songe hors norme ou continuer de la même manière qu’il est arrivé ici, par hasard et par ennui. Tout à son indécision, il stagne dans la confusion, inapte à de quelconque décision, incapable de la moindre réflexion. Plongeant ses mains dans ses poches, il est saisi d’une vive douleur, comme s’il s’était blessé sur de la roche, par erreur.

Sept diamants, irradiants ; le butin qui se tapissait dans ce costume familier, et qui l’ont rappelé à ses devoirs, à ses capacités :


devenir l’homme qu’il est

sourire à ce qui lui est proposé

partager la richesse de sa vérité

oser l’impensable qu’il se sait décrypter

aimer sa voie véritable, loin des sentiers balisés

s’autoriser de croire aux histoires qu’il va inventer

aimer sa vie, de manière incommensurable, cadeau de sa part d’éternité.


Rechute - www.laurenthellot.fr

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