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Spirale



Spirale - Laurent Hellot

Vivre et mourir ne serait que la continuation d'un même avenir, fait de hauts et de bas, de tristesse et de fracas, de paix et de combats. Dans cet incessant brouhaha, il ne serait ainsi plus possible de discerner ce qui nous appartient ou pas, d'innée ou d'approprié, de hasard ou de destinée, en funambule qui ne sait pas d'où le vent va souffler, en libellule qui ne perçoit pas le filet qui l'a emprisonnée. Se débattre, lutter, se croire en capacité de discerner et de décider ne serait que l'illusion qui est offerte pour ne pas désespérer.

Le chemin qui se trace sous nos pieds n'est peut-être ainsi qu'un trajet balisé, zone d’exploration qu'il nous est autorisé de fouler, mais pas plus loin que la lisière de cet horizon derrière lequel le soleil vient de se lever, en perspective d'un paradis fantasmé. Quels soient les méandres que l'on pourrait emprunter, il ne s'agit ainsi peut-être que d'un labyrinthe contingenté, terrain de jeux au sein duquel nous sommes censés nous amuser. L'ambition que l'on ose, les questions que l'on pose n'ont peut-être ainsi que des réponses préformatées, sorte de sophismes auxquels il est impossible d'échapper, prison de logique et de vérités au-delà desquelles il n'est pas de réalité, bien que l'on sente que quelque chose nous est caché, que l'on n'a pas accès à tout ce que l'on pourrait ; et dans une inconsciente lâcheté, on se résigne à ne pas investiguer, trop préoccupé par cette urgence d'avancer, comme si l'immobilité et l'insécurité n'étaient justement pas les voies à explorer pour découvrir que l’inconfort est ce qui ouvre à l’inventivité.

À chaque jour qui vient se révéler, on se contente d'un bref salut avant de continuer à cavaler, en explorateur de son petit pré carré, tout à cette course aux honneurs qui nous donneront l'illusion de mériter ce que l'on tente de s'approprier, dans un réflexe grégaire et non assumé, pure reproduction de ce qui a déjà été fait, imitation de tous ceux qui nous ont précédés. Il n'est déjà plus temps d'hésiter, mais bien de courir à tout prix vers cet eldorado qui nous est vanté, montagne d'or et de pouvoir mélangés, qui ne pourra cependant jamais satisfaire quiconque y a déjà goûté, en une overdose qui ne s'arrêtera jamais, en un tourbillon qui va nous emporter, balayés par l'amoncellement de nos médiocrités, petits spécimens qui courent à leur perte sans tergiverser, appâtés par cette promesse d'immortalité qui pourtant n'est qu'un rêve éveillé. Cela ne nous empêche pas de nous battre, de crier de plaisir, de hurler du désir de s'approprier tout ce qui nous sera donné et de prendre ce qui n'a pas été distribué, pour compiler, entasser, sédimenter, périmer ces trésors qui étaient faits pour être partagés. L’accumulation de ces possessions n'a malgré tout pas l'heur de nous calmer, comme des enfants affamés qui ne seraient jamais rassasiés et se gavent au point de presque exploser. Il nous en faut toujours plus, il est besoin d'en remplir des wagons, des bus, pour l'emporter avec nous, même si cela sera au fond d'un trou, en un catafalque pour des fous, composés d'une montagne d'objets et de regrets, incapables d'apaiser ni de révéler l'essence même de qui l'on est.

Et le temps défile, les jours et les nuits s'empilent, avec nous au milieu de cet enchaînement irréversible, incapable de comprendre à quel point cela est risible, cette obstination qui nous rabaisse au rang de nuisible, alors que nous sommes des anges, des oiseaux, enfouis sous la tonne de ces oripeaux. Ce n'est pas tant la destinée qui nous enchaîne sur cette voie qui ne conduit qu'à la mort désincarnée, mais bien notre aveuglement à ne pas vouloir ouvrir grand le regard, observer chaque seconde, chaque geste, chaque mouvement avec un œil différent, non pas désespéré ni blasé, mais bien ouvert et apaisé pour le faire exister comme on a envie que cela puisse se concrétiser, en bonheur ou en drame, en peluches ou en armes, en homme ou en femme, puisqu'il n'est rien que des conventions que l'on s'approprie sans question, alors que nous pouvons tout transformer, par une simple intention. La valeur que l'on donne à ce qui est là n'a aucun sens en soi, à part si nous offrons de le découvrir, de le faire grandir et d'accepter aussi de le voir partir. L'apprentissage ne doit pas que se lire sur nos visages, faits de rides de stress et de tensions, au lieu de rires et d'émotions. Il peut se dévoiler aussi par le silence qui se fait, au beau milieu d'une conversation animée, pour entendre, pour écouter, pour laisser respirer le sens des mots, voir leur musique monter plus haut, vibrer, briller, se transformer et devenir ce qu'ils ont toujours été : la formule magique pour exister.

Rêver, respirer et parler ne sont ainsi que les mêmes échos de notre identité, éclats à multiples facettes que nous sommes si souvent enclins à ignorer, comme si rentrer dans sa vie par la porte, par la fenêtre ou par la cheminée ne faisait pas de si grande différence en réalité, de l'ordre de l'insignifiance, alors qu'il s’agit au contraire d'enfin se révéler et de ne plus se cacher derrière cette absurde banalité dont nous nous contentons au quotidien de nos journées, en chercheurs d'or qui se satisfaisaient de la première paillette collectée, alors que tout un filon est à la leur portée. En conquistadors en quête de ce mythique et introuvable trésor, nous omettons que le premier et véritable joyau se tapit en notre sein, et non au dehors ; mais nous cherchons, nous furetons, persuadés que sur ces bases seules pourra se construire notre propre maison, en une irréaliste proposition, car ce n'est pas en étant par monts et par vaux que nous concrétiserons nos idéaux, mais bien en découvrant que le cœur de nos aventures, avec leurs bas et leurs hauts, trouve son origine dans ce qui nous rend beaux : cette énergie dont nous bruissons depuis nos premiers rots, en expression basique de nos talents magiques ; ceux qui nous permettent de vibrer, de vivre et d'aimer, avant que nous nous laissions abrutir par ce monde déshumanisé.


Alors sortons de cette spirale déboussolée, et revenir en notre centre, pour exister selon nos désirs et nos souhaits.

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