Bienvenue
Dernière mise à jour : 15 juin 2021
L’annonce est timide et incongrue, comme une salutation à un inconnu dans la rue. Elle surprend, elle embarrasse, par son inattendue irruption dans des obligations cadrées, dans un emploi du temps surchargé, dans un élan empressé. Le premier réflexe est de sursauter, prêt à se battre ou se carapater, sans même prendre le temps d’évaluer ni de considérer les motifs de cette rencontre non sollicitée ; et puis l’éducation prend le dessus, par un geste maîtrisé, de réajuster son pardessus, de continuer en prétendant que l’on n’a rien perçu, de s’immobiliser pour regarder si cela ne concerne pas quelqu’un d’autre dans la rue.
Mais il y a ce sourire, joyeux et ingénu.
La réponse est timide et inattendue, comme un écho à ce qui est reçu. Elle survient, elle surgit, par un geste ami, par une figure épanouie, sans préjugé, sans se dévoiler, pour le simple plaisir de partager. Ceux qui s’étaient enfuis ralentissent la cadence et réalisent qu’on leur avait fait une aimable avance. Ceux qui se rengonçaient sentent le besoin de desserrer ce col fermé. Ceux qui s’armaient laissent tomber les postures de guerriers à la tête dure. Il n’est plus qu’un face-à-face curieux, loin de cette foule de taiseux, un contact inespéré et heureux, le besoin soudain de se sentir mieux.
Et il y a ce pas, esquissé et osé.
La danse est timide et impromptue, comme une parade à ce qui est survenu. Elle s’amorce, elle se constitue, par une chorégraphie tombée des nues, dans l’improvisation la plus complète et l’envie de prendre part à la fête. Il n’était pourtant pas prévu de se dévoiler ainsi, de s’épanouir au beau milieu de cette rue, dans une séduction en toute liberté, sans enjeu autre que de s’amuser et de se laisser porter, par la légèreté de l’instant, par l’envie d’encore poursuivre plus avant vers cette parenthèse dans le présent, où ne compte plus que la joie de l’instant, et non plus le pourquoi ou le comment.
Alors, la confiance est partagée, sereine et soulagée.
Le geste est timide et malaisé, comme le premier mouvement d’un nouveau-né. Il se déploie, se développe, par une grâce qui nous enveloppe, en complète douceur et émotivité, de se voir soudain accompagné. L’évidence et la chance de s’être de la sorte arrêté permettent enfin d’entrouvrir une porte que l’on gardait fermée, cadenassée de méfiance et de secrets, scellée par l’habitude de se protéger, oubliée dans les limbes de notre passé, ce temps où le danger venait de l’autre, de l’étranger, où s’ouvrir revenait à s’exposer et prendre le risque d’être touché.
Alors, le soulagement est autorisé, vaste et apaisé.
Le rythme est timide et farfelu, comme une cadence jamais obtenue. Il se scande, il se structure, par une montée en puissance qui file vers l’azur, un chant à la portée immense et majestueuse, construit de notes aux variations nombreuses. Aucun hymne n’est réfléchi ni pensé, tous les sons jaillis ne se manifestant qu’improvisés, dans un feu d’artifice émerveillé, de sa richesse et de sa densité, dans un déploiement que l’on n’aurait jamais imaginé d’une telle variété, d’une telle beauté, nourri et régénéré à chaque nouvelle considération que l’on veut bien lui porter.
Mais il n’est plus temps d’hésiter, avec des envies de tous côtés.
L’un et l’autre finissent par se rencontrer, par la grâce d’un mur qui est tombé, celui de la peur et de l’ignorance, celui de la honte et de la violence, celui qui fait que l’on demeure en instance, sans plus s’ouvrir, sans plus s’unir, sans plus s’épanouir, dans un carcan aux ramifications denses, celles de notre inconscience. Il est besoin parfois que cet alter ego ouvre la voie, non parce qu’il sait mieux, mais parce qu’il a déjà fait ce chemin qui mène vers les cieux, parce qu’il a ouvert les yeux vers ce que l’on ne voit pas, parce qu’il a compris que l’on pouvait inventer sa voie.
Mais il n’est plus temps de s’isoler, avec des compagnies de tous côtés.
L’un et l’autre finissent par se ressembler, par le hasard que l’on s’est proposé, de changements, de bouleversements qu’il est besoin de traverser, non pas seul et perdu, mais guidé par la chance, par l’inconnu, où l’ignorance devient la bénédiction que l’on n’attendait plus, parce qu’elle offre de s’ouvrir à ce que l’on n’a jamais vu, la chance de devenir ce que l’on ne croyait plus : un être unique, singulier, débarrassé de ses chaînes et de ses boulets, pour voyager sans plus ces fardeaux à porter, rassuré, éclairé, par ce compagnon venu nous soigner, nous expliquer, nous montrer combien l’on savait déjà, sans le réaliser.
Que cette aventure puisse enfin s’initier, à présent que le jour est levé, sur notre ignorance, sur notre dépendance peut-être, mais surtout sur tous les possibles que l’on veut être, si l’on accepte d’exister des pieds à la tête.
Que ce partage puisse enfin commencer, à présent que la vérité est révélée, sur notre puissance, sur notre fragilité peut-être, mais surtout sur une réalité qui ne cesse de changer et qui fait de la vie une fête à célébrer.
Notre corps, notre âme et la Terre tout entière ne vibrent que de cette transmutation de la matière, qui nous rappellent que nous sommes
des êtres de lumière.
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