Le retour
Dernière mise à jour : 1 janv.

Il ne semblait pourtant pas qu'il faille repasser par là. ; avec la direction qui avait été empruntée, le choix paraissait clair et sans ambiguïté, et voilà que l'on est revenu exactement où l'on avait débuté !
Un bref examen de la carte indique sans aucun doute que le bon chemin était bien celui emprunté, sans erreur de bifurcation, sans errance dans la destination ; comment se fait-il alors que l'on se retrouve dans cette situation ?
Le temps d'une concertation avec les autres et, de fait, il s'avère que s'il est une chose qui a été égarée, c'est pour sûr la solidarité ! Pourquoi donc, tout d'un coup, chacun s'empresse de se défausser ?
Le constat étant confirmé, il importe maintenant d'en tirer les conséquences, quelles qu'elles puissent signifier, puisqu'il est hors de question de recommencer derechef le même trajet.
La problématique en est cependant que personne ne sait comment cela a pu arriver, soit par une erreur malencontreuse, soit par une faute avérée, soit parce que la vie aventureuse nous a emportés.
Cette évidence que quelqu'un ou quelque chose s'est décalé ne rend pas plus facile la recherche de la vérité, après tous les efforts qui ont été déployés, pour n'arriver qu'à ce point de départ qui n'est en aucun cas une ligne d'arrivée.
Il est l'heure de faire l'inventaire de tout ce que l'on a inventé et rapporté de ce bout de cheminement sur la Terre, et de se demander ce qui pourrait bien servir, afin de nous aider à cogiter.
La somme de tout ce que l'on a appris et gardé, à arpenter les contrées de tous côtés commence à constituer un sacré volume de données, au point qu'il en devient presque gênant de ne pas avoir réalisé plus tôt tout ce que l'on avait.
À force d'extirper et de compiler, l'embarras grandit et se fait, de la légèreté flagrante avec laquelle on a tiré parti de tout ce que l'on a rencontré d'amis et d'ennemis, d'apprentissage de la mort et de la vie.
Abasourdis par la somme de ce savoir infini, on en vient à se demander de quelle manière on a pu ignorer si longtemps le volume de ressources que l'on possédait, au lieu de se la coule douce et de marcher sans regarder.
Se rendre compte à quel point on était ignorant de ces compétences glanées en chemin commence à rendre plus cohérent le fait de ne même pas avoir saisi que l'on revenait au point de départ d'où l'on était parti.
Le doute qui s'insinue alors dans notre esprit vient faire germer l'interrogation à laquelle nous n'avions pas pensé : jusqu'à quel niveau n'avons-nous pas été conscients de vivre notre existence, pour que l'on se soit retrouvé ainsi dans une telle errance ?
Il devient urgent de compter ses doigts de mains et de pieds, pour s'assurer que l'on se rappelle qui l'on est, et non pas simplement une tête qui se baladerait, en oubliant le corps sur laquelle elle est posée.
À ce stade, il serait en outre pertinent de considérer l'ensemble de qui l'on est maintenant, et pas seulement la totalité de nos brillantes réalisations supposées, de se concentrer sur l'intérieur et non plus sur l'image que l'on voulait renvoyer.
Il n'en demeure pas moins curieux que l'on doive se sentir perdu pour qu'enfin on consente à baisser les yeux et contempler ce que l'on n'avait jamais vu : soi, de la tête aux pieds, et non pas une statue.
Au centre de soi et dans le lieu qui nous va, même si l'on ne comprend pas pourquoi, il s'écoule paix et harmonie, cette fois au cœur et au centre de notre vie, et non plus à courir dans tous les sens, à l'infini.
Le voyage que l'on a accompli n'était pas de découvrir tous les enfers ou tous les paradis, mais de revenir s'écouter, ses joies, des cris, afin de ne plus les porter, qu'ils cessent de nous égarer.
La lumière d'une révélation se met enfin à palpiter et faire vibrer nos sensations, de la surprise à la méprise, de la joie à l'émoi, de soudain appréhender tout ce que les kilomètres parcourus nous ont apporté.
À nous retrouver précisément d'où tout a débuté, le sens de cette circonvolution se met à rayonner, avec nous-mêmes comme révélateur de ce qu'il fallait expérimenter de marches, de fuites, de labeurs, pour nous reconsidérer.
Il n'y a aucune erreur à se rendre compte que l'on n'a pas avancé, parce que cela permet de mettre à jour combien il est temps de réévaluer nos priorités, de la plus importante à la plus décalée, avec une réponse évidente à se rappeler : nous avons progressé.
La conquête de note identité ne viendra pas de ces courses de tous côtés, mais bien de l'évidence qu'il est parfois besoin de s'arrêter pour comprendre que nous sommes le monde que nous avons à explorer.
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