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Observation

De ce poste que l’on imaginait tremplin, voici que l’on se retrouve seul, avec rien dans les mains. Le temps qui passe et les personnes que l’on croise n’apportent ni n’apaisent cette incompréhension qui nous déphase, sidéré que l’on est d’avoir accompli tout ce chemin pour ne plus réussir à avancer.

De cet observatoire parfait, voici que l’on contemple le monde s’affairer, au cœur de ces changements et de ces saisons que l’on regarde passer, comme si l’on était derrière une vitre et que personne ne nous voyait. De cette vigie invisible et cloîtrée, il n’est que de constater notre impuissance à exister.

De cet endroit que l’on croyait temporaire, on peut à présent compter les années écoulées, avec un vertige à se plonger en arrière et de relever tous les obstacles surmontés. Ce qui pourrait devenir une satisfaction à l’aune d’un succès, n’est cependant que le constat triste d’un abandon sans solution, pour comprendre pourquoi l’on est encore à patienter.

De cette retraite inattendue et forcée, on entend certes parfois les mots de ceux qui continuent de passer : « Courage ! », « Bravo ! » et autres « J’aimerais être à ta place, tu sais ! » ; mais aucun de ces messages ne fait sens, tant le décalage entre ces paroles et la réalité est violent à supporter.

De cette zone confinée, l’on reprend une fois de plus l’inventaire de tout ce que l’on pourrait encore essayer : les voyages, les apprentissages, les rencontres, les surprises annoncées, et l’on se rend compte que tout, absolument tout a déjà été testé, au point même de rire de tant d’énergie déployée pour aboutir à cette immobilité forcée.

De cette retraite que l’on n’a pas décidée, l’on se morfond et se ronge les sangs face à cette imposture qui ne cesse de se prolonger. L’on voudrait repartir, resplendir, montrer combien tout ce que l’on a accompli a payé, et pourtant, nous voilà piteux et séquestrés, sans que l’on saisisse l’instant où l’on s’est trompé.

Il ne demeure plus que la solitude et les heures qui s’écoulent sans objet, où l’on constate à quel point les dés sont pipés dans ce jeu où l’on a pris part, persuadés que cela valait la peine de s’engager, à guider, à expérimenter, à échanger, pour ne finir que perdu et désemparé, tandis que les autres participants nous ont lâchés.

Il ne résonne plus que le silence dans ce qui était auparavant les vacarmes d’une aventure, pour grandir, pour apprendre, pour devenir plus sage, plus pur, débarrassé de ces scories des ans écoulés, pour ne plus garder que la force, la joie et la sérénité, à même de voyager encore plus loin, encore plus léger.

Il n’apparaît que désillusions et malaise, dans cette étrange sensation d’avoir été pris pour un bouffon, à être promené de tous côtés sans interruption, sur la promesse de bonheur autorisé, et de se retrouver perdu, isolé, dans un espace où personne ne viendra jamais plus vous chercher.

Plus aucun combat n’est à mener qui n’a déjà été gagné. Plus d’ambition n’est à projeter qui n’a déjà été complétée. Plus de sensation n’est à éprouver qui n’est déjà été partagée. Notre univers se résume à présent à un salon aux quatre murs cloîtrés, dans un espace où le principal adversaire est notre esprit effaré.

Plus de solution n’apparaît au sein de ce tourbillon qui nous tient prisonniers, en son centre, tandis que le monde continue de tourner. Les appels à l’aide ou les tentatives de s’échapper ne font que rebondir sur les parois de la réalité, en écho d’un invisible barrage qu’il nous est impossible de briser.

Plus de compagnon n’est à nos côtés, dans cet improbable donjon qui nous tient enfermés, comme si l’on était à la fois le responsable et la solution de situation dans laquelle on a l’impression d’asphyxier. Nos relais ou nos appuis sont cette fois sans intérêt, redondance et ennui qui ne font que nous engluer.


Observation  - www.laurenthellot.fr/

Ce qui ne ressemble à rien de ce que l’on a déjà vécu prend la forme d’une torture que l’on n’avait jamais connue, lente et imparable fermentation de nos peurs et de notre tristesse à l’unisson, comme un concert pour une oraison. Tout ce que l’on entend sont les battements de notre cœur et le souffle du vent, prophètes annonciateurs de l’anéantissement.

Ce qui bouleverse notre élan en posant cet indéchirable carcan renvoie à l’impuissance du petit enfant qui découvre que le monde n’est pas que plaisir et chants, mais violence et isolement, ordres à respecter, injonctions à écouter, procédures à appliquer, en un champ de mines qui va devoir être traversé.

Ce qui désole de se voir ainsi pris dans cette camisole est d’admettre qu’il ne s’agit que d’une probable anticipation, avant que notre tête ne devienne folle, nos membres de coton et notre espoir ne s’envolent dans toutes les directions, en un avertissement sans frais pour tous ceux qui auraient l’audace de croire en une libération espérée.


Entre devenir fou ou désespéré, la frontière n’est même plus tracée, tant le choix est entre se disloquer ou s’évanouir d’une telle déchéance stigmatisée. Des cris de rage que l’on pousse, des horreurs que l’on a traversées, rien de tout cela ne nous aide pour nous dire que l’on a mérité ce qui est en train de nous arriver.

L’obligation de passivité comme la réponse à ce qui nous tient séquestré n’est ni plus ni moins qu’une torture que l’on ne réussit plus à supporter, comme si l’on devenait soudain le jouet de la destinée, laquelle aurait décidé de nous enterrer vivant pour voir combien de temps l’on allait résister.


Et puis vient l’épuisement de ne pas y arriver, à saisir, à entendre tout ce que cela peut bien signifier, une sorte d’effondrement de toutes nos défenses innées, dans un grand silence oblitéré par toute cette absence d’espoir et de félicité. Pas un bruit, pas une aide ne vient interférer.

Et puis vient cette limite de la souffrance, où toute nouvelle douleur ne fait plus aucun effet, tant les coups et les doutes ont fini par anesthésier le peu d’issues que l’on envisageait, sorte de cocon d’impotence au sein duquel on se laisse tomber. Pas un témoin ni spectateur n’est là pour y assister.

Et puis vient cette dissolution de la peur, où toute honte, toute mise au pilori n’a pas plus d’importance que si l’on disparaissait dans la nuit de nos rêves enfuis, dans l’obscurité de nos plaisirs annihilés, dans le puits de désirs cachés. Pas un secours, pas une aide n’est prêt à se manifester.


Dans le silence qui s’en suit, de cette absence à soi-même et à notre esprit, voilà qu’émerge enfin cette musique que l’on a attendue toute notre vie, douce, joyeuse, porteuse de paix et de répit, celle qui ouvre à la sérénité et à l’harmonie.

Dans l’inconscience qui jaillit, à ses urgences ou ses soucis, voilà que s’impose ce que l’on ne s’était jamais dit : que l’exigence n’est pas le centre de notre vie, mais que notre cœur est l’unique vecteur qui nous guérit.

Dans ce paysage où le soleil resplendit, voilà que l’on peut choisir le chemin dont on a envie : celui qui explore tout ce qui s’offre sans répit, et face auquel on peut enfin prononcer ce mot que l’on avait maudit,


merci.


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