Sous le soleil
La chaleur étouffante du lieu donne à penser que le soleil a quitté les cieux, pour s'écraser sur cette Terre et la transformer en Enfer. Les ondes brûlantes qui se déploient calcinent tout ce qui bouge, pour le pulvériser en cendres jaunes et rouges. Il n'est pas question de braver cette malédiction pour finir aussi rôti qu'un chapon. L'heure est à la protection.
L'azur d'un bleu métallique agresse par sa pureté drastique à la perfection maniaque, à l'étendue fantastique, espace infini au sein duquel brûle cet astre à présent maléfique, à la fois juge et exécutant d'une sentence contre laquelle ne sera entendue aucune supplique, à part celle actant que l'on abdique.
Le paysage aux couleurs de collines désertiques ploie et se consume sous le joug de cette atmosphère incendiaire, prisonnier surpris et involontaire qui se retrouve transformé en décor d'un volcan qui cracherait des pierres, sans pouvoir arrêter ce torrent de scories et de lave mortifère.
De l'abri où nous sommes réfugiés, nous assistons à ces ravages annoncés, incapables de ne rien faire d'autre que de pleurer devant ce désastre aux effets inimaginés, à la fois attendus dans leur saisonnalité, et effarants dans l'ampleur des incendies qu'ils ne manquent pas de générer, sur le sol desséché et dans les esprits effarés.
De la science que nous pensions avoir assimilée, il ne reste plus que des parchemins calcinés, remplis de formules et de projections pour un demain qui ne pourra plus jamais exister, emporté avec la rosée du matin qui ne réussit plus à se poser, évaporé par les pluies qui ne touchent plus le sol sans se dissiper.
De l'espérance que nous avions de pouvoir nous reposer, en cette période de vacances où l'agitation devait retomber, il ne demeure plus qu'une souffrance de constater à quel point nous avions plongé dans l'inconscience, le déni de cette réalité où la vie ne devient plus envisageable que protégée et préservée de toute notre volonté.
L'ombre devient le refuge où subsister, maigre trouée dans une lumière irradiante qui ne cesse d'aveugler par son intransigeante clarté, mettant impitoyablement à jour nos faiblesses et nos fragilités, soudain flagrantes et à rebours de ce après quoi nous ne cessions de galoper.
La protection devient la seule valeur digne d'être respectée, pour ne pas finir irrémédiablement marqué par les blessures et les souffrances que cette fournaise s'emploie à distribuer, non par haine ou par vengeance, mais parce qu'il s'agit maintenant du seul langage que nous sommes prêts à écouter.
L'agglutination dans des îlots de civilisation laisse à penser que nous avons abdiqué et renoncé à nous confronter à cet environnement qui, soudain, n'est plus hospitalier, mais ne semble chercher qu'à nous annihiler, ainsi que des intrus inadaptés qu'il convient d'éradiquer pour le bien-être de la Terre sur laquelle on est.
L'univers n'a pas changé pourtant les équilibres qui régissent son vaste déploiement, mais la persistance que nous avons mise à éluder tous les avertissements n'a d'égal que le brutal réveil auquel nous sommes confrontés maintenant, ni sanction ni châtiment, le juste effet de ce que nous avons accompli jusqu'à cet instant.
La genèse n'a pas conduit à cet effondrement, exacte antithèse de l'Eden qu'elle offrait jusqu'à cet aboutissement, mais aussi parfaite exégèse de ce qui sous-tend tout enfermement, fût-il un paradis permanent, si l'on oublie la manière dont le partage doit rester au centre de ce qui demeure vivant.
La création de ces pays et de ces gouvernements ne montre que la logique aux prises avec le pouvoir rugissant, démiurge qui dévorera tout à sa guise s'il n'est pas soumis à la mesure et l'enchantement, où ce qui se décide n'est pas l'apanage du profit et de l'argent, mais de l'équilibre à transmettre à ses enfants.
Sous les rayons rageurs de cette planète incandescente, il n'y a cependant pas plus de raison d'avoir peur que d'espérer que la chaleur va se pondérer comme par enchantement, juste admettre nos erreurs et assumer de ne plus pouvoir vivre comme avant, dans l’insouciance des conséquences de nos actes et de nos caprices tout ce temps.
Sous les abris protecteurs de cet inéluctable rayonnement, il n'est cependant pas question de baisser les bras et de se rouler en boule en pleurant, juste reconnaître que, de notre malheur, il ne naîtra qu'un futur différent, bien loin de ce que nous connaissions de facilité et de dévoiement, au contraire attentif à tous, ici et maintenant.
Sous les rafales de doutes et de questionnements, il n'y a cependant pas matière à se juger impuissants, responsables et coupables indéfiniment, juste se redresser et affronter ce que nous avons choisi de nous proposer comme événements, pour en apprendre la valeur et le révélateur étonnant.
De ce soleil qui nous montre ce qui doit apparaître, que nous retenions l'apprentissage du respect de tous les êtres de cette planète.
De cette ombre qui nous prive de fête, que nous entendions les chants qui annoncent tout ce qui va apparaître.
De ces bouleversements que rien n'arrête, que nous devenions le changement qui s'en vient à naître.
Et qu'enfin, nous vivions avec, et non contre cette planète.
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